Les plantes psychoactives sont des végétaux qui produisent des substances capables de modifier le fonctionnement de notre cerveau en interférant avec ses neurotransmetteurs. Parmi ces plantes, on trouve une sous-catégorie appelée psychotropes, qui sont des substances capables de modifier nos perceptions, nos sensations, notre humeur ou nos états de conscience, parfois jusqu’à provoquer des hallucinations ou perturber notre motricité. Certaines plantes psychoactives, comme le tabac, le vin, le café et le thé, sont couramment consommées dans notre société. En revanche, d’autres plantes psychoactives, comme le cannabis et les champignons hallucinogènes, sont considérées comme des drogues en raison de leur capacité à provoquer une distorsion de la réalité. En France, les drogues illicites sont définies comme des substances susceptibles de perturber le fonctionnement du système nerveux central et de modifier les états de conscience, tout en étant potentiellement addictives sur le plan physique et/ou psychologique. C’est pourquoi des plantes telles que la coca, le cannabis, les champignons hallucinogènes et le concentré de paille de pavot sont classées comme stupéfiants dans notre pays.
L’évolution a-t-elle joué un rôle dans cette stratégie ?
Les plantes produisent des molécules psychoactives pour se défendre contre les agressions extérieures ou pour attirer les mammifères et les insectes. Ces molécules agissent comme des poisons ou des récompenses pour le cerveau des mammifères, qui vont alors les éviter ou les répandre. Par exemple, la nicotine, la caféine et le THC du cannabis peuvent agir comme des pesticides naturels. Les plantes sans nicotine sont plus souvent attaquées par les insectes, tandis que celles qui en produisent davantage sont moins visitées.
Dans les années suivant la Seconde Guerre mondiale, des scientifiques se sont intéressés aux substances psychoactives, en particulier aux psychédéliques, pour traiter la dépression et les addictions. Cependant, la France a adopté une position conservatrice en classant le cannabis, l’opium et la cocaïne sur le même plan dans la Convention unique sur les stupéfiants de l’ONU en 1961. En 1971, la France a renforcé sa politique de prohibition en adoptant une nouvelle convention de l’ONU. Les molécules psychoactives naturelles, telles que le THC du cannabis, la mescaline ou la psilocybine des champignons hallucinogènes, sont toutes classées comme ayant une faible valeur thérapeutique et sont donc prohibées, tandis que les molécules de synthèse sont considérées comme ayant une valeur thérapeutique plus élevée et sont autorisées sous certaines conditions.
Depuis les années 2000, ce classement est remis en question. Par exemple, le cannabis a été retiré de la liste des stupéfiants par l’ONU en décembre 2020. De plus, de nombreux articles scientifiques soulignent les risques et les dangers des substances psychoactives courantes telles que l’alcool et le tabac. Dans ce contexte, les molécules psychoactives, psychotropes et psychédéliques, comme celles issues des champignons hallucinogènes, font l’objet d’essais cliniques pour traiter un large éventail de pathologies, de la migraine aux addictions en passant par la dépression, le stress post-traumatique et les maladies neurodégénératives.
Des alliées de longue date
Les humains ont depuis longtemps cherché à expérimenter des états altérés de conscience. Selon l’ethnobotaniste italien Giorgio Samorini, les plus anciennes preuves d’utilisation de plantes psychoactives remontent à des milliers d’années. Par exemple, des traces de bières à base d’orge datant de 11 000 ans avant J.-C. ont été découvertes en Israël, tandis que les premiers usages du cannabis remontent à 8200 ans avant J.-C. au Japon. D’autres plantes psychoactives, comme le vin en Géorgie il y a 5800 ans avant J.-C. et le thé en Chine il y a 3500 ans avant J.-C., étaient également utilisées. Parmi elles, on peut citer le nénuphar bleu en Égypte ancienne et la laitue sauvage qui a été utilisée en Europe jusqu’au XXe siècle comme médicament sédatif. Les premières traces de consommation de champignons psilocybiens remontent à 6000 ans avant J.-C. dans le désert du Sahara.
Selon le psychiatre addictologue Sami Sergent, l’évolution des mentalités est aussi due au fait que les molécules psychoactives de synthèse n’ont pas changé depuis 50 ans. Face à la montée des addictions, des dépressions et des troubles de la personnalité, les professionnels de santé se tournent vers d’autres solutions. Le psychiatre Olivier Chambon, auteur de La Révolution psychédélique, croit quant à lui que nous sommes au début d’une véritable révolution dans l’utilisation de plantes, notamment psychédéliques, comme médicaments. Les tabous et la stigmatisation laissent place aux faits scientifiques qui démontrent que ces substances sont également de puissants médicaments dont les patients ne devraient pas être privés plus longtemps.
Cependant, selon Vincent Verroust, ethnobotaniste et président fondateur de la Société psychédélique française, il n’y a actuellement aucun essai clinique en France sur ces substances. Bien qu’il existe des projets concernant l’utilisation de la psilocybine dans le traitement des addictions et de la dépression résistante, il y a encore une certaine réticence de la part des médecins. Selon lui, l’information sur ce sujet est encore insuffisante. De plus, ces molécules sont difficiles à intégrer dans les protocoles standards, car elles nécessitent une approche très différente de celle de la psychiatrie actuelle qui repose principalement sur les antidépresseurs.
Malgré tout, les choses évoluent, que ce soit avec l’utilisation croissante de ces plantes par les chamans ou avec des études approfondies sur l’extraction des molécules les plus prometteuses. Des approches telles que le microdosage sont également explorées. Nous sommes encore au début de l’utilisation de ces plantes aux modes de fonctionnement mystérieux, mais les choses sont en train de changer.
Des jeunes entreprises se lancent dans la course
Certaines plantes psychotropes suscitent beaucoup d’intérêt en tant que futurs médicaments, au point que des start-up investissent des millions dans ce domaine, ce que certains appellent le « capitalisme psychédélique ». Par exemple, lors du prestigieux forum de Davos en Suisse en janvier 2020, l’ibogaïne, une molécule extraite de l’iboga, a attiré l’attention.
La société DemeRex, basée à Miami et soutenue par des millionnaires présents au forum, a présenté l’ibogaïne comme une substance capable de « détoxifier » les patients et de traiter leur dépendance aux opioïdes en induisant un état onirique qui permettrait une « réinitialisation du cerveau ». Des essais cliniques sont actuellement en cours pour évaluer son efficacité dans le traitement de l’addiction aux opioïdes, un fléau qui a déjà fait près d’un demi-million de victimes par overdose aux États-Unis au cours des vingt dernières années. En France, l’ibogaïne a été commercialisée entre les années 1930 et 1960 en tant que stimulant et antidépresseur.
Il est important de noter que les informations et les conseils proposés sur le site Plantes & Santé ne doivent en aucun cas se substituer à une consultation ou à un diagnostic médical formulé par un professionnel de santé. Seul un médecin ou un professionnel de santé est en mesure d’évaluer correctement votre état de santé.
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